Espace séparable

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Ne pas confondre avec la structure d'espace séparé.

En mathématiques, et plus précisément en topologie, un espace séparable est un espace topologique contenant un sous-ensemble dense et au plus dénombrable, c'est-à-dire contenant un ensemble fini ou dénombrable de points dont l'adhérence est égale à l'espace topologique tout entier.

Lien avec les espaces à base dénombrable

Article détaillé : espace à base dénombrable.
  • Tout espace à base dénombrable est séparable. La réciproque est fausse, mais :
  • Tout espace pseudométrisable séparable est à base dénombrable[1].
    Beaucoup d'espaces usuels sont de ce type. L'hypothèse de séparabilité se retrouve abondamment dans les résultats d'analyse fonctionnelle.
  • Tout sous-espace d'un espace pseudométrisable séparable est encore séparable (l'hypothèse de pseudométrisabilité est indispensable : voir § « Propriétés » ci-dessous).
    Cela se déduit de ce qui précède, sachant que tout sous-espace d'un espace à base dénombrable est encore à base dénombrable. Mais il est possible d'en donner une démonstration directe sans utiliser l'équivalence, pour un espace pseudométrisable, entre la séparabilité et l'existence d'une base dénombrable.
Démonstrations
  • Tout espace à base dénombrable est séparable : soit une base dénombrable d'ouverts, que l'on peut sans perte de généralité supposer non vides. En choisissant un point dans chacun, on obtient une partie dénombrable dense.
  • Tout espace pseudométrisable séparable est à base dénombrable : soit A une partie dénombrable dense, alors les pseudoboules B(a, 1/n) quand a parcourt A et n parcourt ℕ*, forment une base dénombrable d'ouverts.
  • Tout sous-espace d'un espace pseudométrisable séparable est encore séparable, preuve directe :
    Soit (X, d) un espace pseudométrique séparable, et soit A un sous-espace de X. On va construire une suite dense dans A.
    Choisissons (xn)n∈ℕ* une suite dense dans X. Pour tout entier n > 0, fixons un point an de A vérifiant d(xn, an) < d(xn, A) + 1/n. Soit a un point de A et soit ε > 0. Par densité de (xn)n∈ℕ*, il existe un entier n > 3/ε tel que d(a, xn) < ε/3. On a alors (par construction de la suite (an)) d(xn, an) < ε/3 + 1/n < 2ε/3 donc (par inégalité triangulaire) d(a, an)< ε.
    La suite (an) est donc bien dense dans A.

Exemples

  • L'ensemble ℝ des nombres réels, muni de sa topologie usuelle, est séparable car ℚ (dénombrable) y est dense.
  • Pour 1 ≤ p < ∞, l'espace Lp(ℝ) des fonctions dont la puissance p est intégrable muni de la tribu borélienne et de la mesure de Lebesgue est séparable[2]. Par contre, l'espace L(ℝ) des fonctions essentiellement bornées ne l'est pas. On a la même dichotomie pour les espaces de suites p et .
  • La droite de Sorgenfrey est séparable mais n'est pas à base dénombrable donc pas pseudométrisable (elle est cependant à bases dénombrables de voisinages).

Propriétés

  • Un espace vectoriel topologique sur ℝ ou ℂ est séparable si et seulement s'il contient une famille dénombrable de vecteurs engendrant un sous-espace dense.
  • Tout espace pseudométrique précompact ou de Lindelöf (en particulier tout espace métrique compact) est séparable. En effet, dans les deux cas, pour tout entier n > 0, on peut recouvrir l'espace par des boules ouvertes de rayon 1/n et de centre appartenant à un ensemble Cn au plus dénombrable. La réunion des Cn constitue alors une partie dénombrable dense.
  • Un espace vectoriel normé est séparable si et seulement si la boule unité de son dual est *-faiblement métrisable.
  • Pour tout espace compact X, l'algèbre C(X) des fonctions continues de X dans ℝ munie de la norme de la convergence uniforme est séparable (ou, ce qui revient au même : à base dénombrable) si et seulement si X est métrisable. (Par exemple : = C(βℕ) n'est pas séparable.) On en déduit que toute image continue séparée Y d'un espace métrique compact X est métrisable, puisque C(Y) ⊂ C(X).
  • Tout espace métrique séparable est isométrique à un sous-espace de C([0, 1])[3].
  • Tout produit d'espaces séparables indexé par un ensemble ayant au plus la puissance du continu ℭ est séparable (c'est le cas particulier κ = ℵ₀ du théorème de Hewitt-Marczewski-Pondiczery[4]). L'étape essentielle, pour le démontrer, est de vérifier que ℕ est séparable[5]. En particulier, ℝ est séparable.
  • Si κ > ℭ, un produit de κ espaces séparés comportant chacun au moins deux points n'est jamais séparable[6].
  • Dans un espace séparable, tout ouvert est séparable mais pas toute partie en général : dans le plan de Sorgenfrey, l'antidiagonale est un fermé non séparable ; de même le plan de Moore, séparable, contient une droite fermée non séparable. Pire : tout espace topologique est sous-espace d'un séparable de même cardinal[7].
  • La séparabilité est évidemment préservée par images continues (contrairement à la propriété d'être à base dénombrable, qui n'est même pas stable par quotients).
  • Tout espace séparable possède la « condition de chaîne dénombrable », c'est-à-dire que toute famille d'ouverts non vides disjoints deux à deux est au plus dénombrable[8].
  • Un espace métrique est séparable si (et seulement si, d'après le point précédent) toute famille de boules deux à deux disjointes et de même rayon strictement positif est au plus dénombrable.

Cardinalité

Un espace séparé à bases dénombrables de voisinages (par exemple : un espace métrisable) et séparable a au plus la puissance du continu[9] : voir « Fonctions cardinales en topologie ». Plus généralement, le cardinal d'un espace séparé séquentiellement séparable, c'est-à-dire[10],[11] fermeture séquentielle d'une partie au plus dénombrable — en particulier, le cardinal d'un espace séparé de Fréchet-Urysohn séparable — est au plus ℭ[12]. On montre même facilement que tout espace séparé qui est fermeture séquentielle d'une partie de cardinal au plus ℭ est encore de cardinal au plus ℭ.

Un espace séparé et séparable a un cardinal inférieur ou égal à 2[13]. On retrouve ainsi (comme cas particulier de κ > ℭ vu plus haut) que si 2κ > 2 (et a fortiori si κ ≥ 2), un produit de κ espaces séparés comportant chacun au moins deux points n'est jamais séparable. La borne 2 est atteinte, par exemple par le compact séparable {0, 1}, qui n'est donc pas à bases dénombrables de voisinages (il n'est en fait même pas séquentiel, puisqu'il est dénombrablement compact mais pas séquentiellement compact).

Notes et références

  1. (en) Horst Herrlich, Axiom of Choice, Springer, (lire en ligne), p. 20.
  2. (en) Donald L. Cohn, Measure Theory, Springer Science+Business Media, (lire en ligne), Proposition 3.4.5.
  3. Voir Théorème de Banach-Mazur.
  4. Si κ est un cardinal infini, tout produit d'au plus 2κ espaces de densités majorées par κ est encore de densité majorée par κ. Voir par exemple François Guénard et Gilbert Lelièvre, Compléments d'analyse : Topologie, première partie, vol. 1, ENS Fontenay éd., (lire en ligne), p. 40 pour une démonstration, et (en) « Hewitt-Marczewski-Pondiczery theorem », sur PlanetMath pour les références des trois articles originels.
  5. On peut pour cela, par exemple, remarquer que les combinaisons linéaires finies, à coefficients entiers, d'indicatrices d'intervalles ouverts disjoints deux à deux et d'extrémités rationnelles, forment une partie dénombrable dense, ou encore — cf. (en) W. W. Comfort, « A short proof of Marczewski's separability theorem », Amer. Math. Monthly, vol. 76,‎ , p. 1041-1042 (JSTOR 2317135) — utiliser la séparabilité de C([0,1]), qui entraîne celle de ℝ[0,1] = ℝ.
  6. (en) « Product of Separable Spaces », sur Dan Ma's Topology Blog.
  7. Une construction qui ajoute au plus une infinité dénombrable de points est donnée dans (en) Wacław Sierpiński, General Topology, University of Toronto Press, , p. 49.
  8. Voir par exemple (en) « Topological Spaces with Caliber Omega 1 », sur Dan Ma's Topology Blog, ou cet exercice corrigé de la leçon « Topologie générale » sur Wikiversité.
  9. (en) Kenneth Kunen et Jerry E. Vaughan, Handbook of Set-Theoretic Topology, Elsevier, (lire en ligne), p. 3.
  10. (en) Albert Wilansky, « How separable is a space? », Amer. Math. Monthly, vol. 79, no 7,‎ , p. 764-765 (JSTOR 2316270).
  11. (en) Franklin D. Tall, « How separable is a space? That depends on your set theory! », Proc. Amer. Math. Soc., vol. 46,‎ , p. 310-314 (JSTOR 2039917).
  12. (en) Angelo Bella, Maddalena Bonanzinga et Mikhail Matveev, « Sequential + separable vs sequentially separable and another variation on selective separability », Cent. Eur. J. Math., vol. 11, no 3,‎ , p. 530-538 (DOI 10.2478/s11533-012-0140-5).
  13. Guénard et Lelièvre 1985, p. 41.

Voir aussi

Articles connexes

Lien externe

(en) « Why the name 'separable' space? », sur MathOverflow

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